Le télétravail dans la fonction publique a enfin son décret

Le texte, pris en application de la loi de transformation de la fonction publique, et qui offre de nouvelles possibilités pour le télétravail des agents, est enfin paru au Journal officiel le 6 mai. Il permet plus de flexibilité dans l’organisation du travail à distance. Parmi les mesures attendues, le télétravail ponctuel est encadré via l’attribution d’un volume de jours flottants.

Alors que le télétravail est devenu, ces dernières semaines, la règle pour une bonne partie des agents de la fonction publique, le cadre réglementaire qui encadre la pratique est enfin paru.

Le décret sur les nouvelles modalités d’exercice du télétravail dans la fonction publique, pris en application des dispositions de l’article 49 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, a été publié au Journal officiel du 6 mai, apportant son lot de modifications au décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en oeuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature.

Ce décret, dont la publication était réclamée par les employeurs du bloc local et les organisations syndicales depuis plusieurs mois tombe ainsi à point nommé. Ce dernier détermine les nouvelles modalités qui permettent le recours ponctuel au télétravail et prévoit de nouvelles dispositions relatives au lieu d’exercice du télétravail, à la formalisation de l’autorisation de télétravail et aux garanties apportées aux agents.

Il facilite l’utilisation du matériel informatique personnel de l’agent travaillant à distance. Il permet, en cas de situation exceptionnelle perturbant l’accès au site ou le travail sur site, de déroger à la limitation de la règle imposant un maximum de trois jours de télétravail par semaine.

Des dispositions qui devraient être largement usitées par les employeurs publics durant la période de déconfinement et la reprise progressive des services dans les collectivités.

Plus de flexibilité

Grand apport de ce nouveau décret : l’autorisation de télétravail est maintenant délivrée pour un recours régulier ou ponctuel. Elle peut prévoir l’attribution de jours de télétravail fixes au cours de la semaine ou du mois ainsi que l’attribution d’un volume de jours flottants de télétravail par semaine, par mois ou par an dont l’agent peut demander l’utilisation à l’autorité responsable de la gestion de ses congés.

L’agent dispose aussi de plus de choix de lieux de travail : le télétravail peut être organisé, en plus du domicile de l’agent ou d’un lieu à usage professionnel, dans un « autre lieu privé ». Un agent peut, au titre d’une même autorisation, mettre en oeuvre ces différentes modalités de télétravail.

Une souplesse qui avait été notamment demandée par les organisations syndicales dès le début du mois d’avril à l’occasion des réunions « crise sanitaire » organisées chaque semaine par Olivier Dussopt, le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique.

Sa version antérieure, qui avait été soumise au conseil commun de la fonction publique en février, ne correspondait plus à la complexité de la situation actuelle, puisque rédigé en amont, selon les organisations syndicales.

Le ministre Olivier Dussopt a été alerté sur la nécessité d’assouplir le contrôle que certains employeurs font sur leurs agents en télétravail. Dans le contexte actuel, il est nécessaire de faire preuve de souplesse.
La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Mais le décret prévoit un nouveau cas de dérogation à cette règle. Ainsi, deux dérogations sont possibles :

  • Pour une durée de six mois maximum, à la demande des agents dont l’état de santé, le handicap ou l’état de grossesse le justifient et après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail ; cette dérogation est renouvelable, après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail ;
  • Lorsqu’une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site.

De plus, l’utilisation du matériel personnel de l’agent est également facilitée. Lorsqu’un agent demande l’utilisation des jours flottants de télétravail ou lorsqu’une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site, l’administration peut autoriser l’utilisation de l’équipement informatique personnel de l’agent.

Plus de formalisation

L’exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l’agent. Celle-ci précise les modalités d’organisation souhaitées. Une nouvelle attestation est demandée : l’agent doit fournir, avec sa demande écrite, une attestation de conformité des installations aux spécifications techniques quand il souhaite télétravailler à son domicile ou dans un autre lieu privé.

C’est la décision de l’organe délibérant pour la fonction publique territoriale, mentionnée à l’article 7 du décret 11 février 2016, qui fixe les conditions dans lesquelles cette attestation doit être établie.

Pas de changement pour le reste de la procédure. Le chef de service, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l’intérêt du service. Une réponse écrite est donnée à la demande de télétravail dans un délai d’un mois maximum à compter de la date de sa réception ou de la date limite de dépôt lorsqu’une campagne de recensement des demandes est organisée.

En cas de changement de fonctions, l’agent intéressé doit présenter une nouvelle demande.

Délais de prévenance

L’autorisation peut prévoir une période d’adaptation de trois mois maximum.

Il peut être mis fin à cette forme d’organisation du travail, à tout moment et par écrit, à l’initiative de l’administration ou de l’agent, moyennant un délai de prévenance de deux mois.

Dans le cas où il est mis fin à l’autorisation de télétravail à l’initiative de l’administration, le délai de prévenance peut être réduit en cas de nécessité du service dûment motivée. Pendant la période d’adaptation, ce délai est ramené à un mois.

Le refus opposé à une demande d’autorisation de télétravail, ainsi que l’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration, doivent être motivés et précédés d’un entretien.

L’acte autorisant l’exercice des fonctions en télétravail mentionne les modalités de mise en oeuvre du télétravail et, s’il y a lieu, sa durée, ainsi que les plages horaires durant lesquelles l’agent exerçant ses activités en télétravail est à la disposition de son employeur et peut être joint, par référence au cycle de travail de l’agent ou aux amplitudes horaires de travail habituelles.

Les devoirs de l’employeur

Des précisions sont également apportées quant aux coûts qui s’imposent à l’employeur dans la mise en place du télétravail.

Il était déjà prévu que l’employeur prenne en charge les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci.

Le nouveau décret précise qu’il n’est pas tenu de prendre en charge le coût de la location d’un espace destiné au télétravail.

Le décret du 5 mai donne également de nouvelles directives quand la demande d’autorisation de télétravail est formulée par un agent en situation de handicap. Dans ce cas, le chef de service, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination met en oeuvre, sur le lieu de télétravail de l’agent, les aménagements de poste nécessaires.

Mais il est ajouté que ces aménagements se font sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser, en tout ou partie, les dépenses engagées à ce titre par l’employeur.

S’opposer à un refus

Le décret du 11 février 2016 prévoyait que, dans la fonction publique de l’Etat, la commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire compétentes peuvent être saisies, par l’agent intéressé, du refus opposé à une demande initiale ou de renouvellement de télétravail formulée par celui-ci pour l’exercice d’activités éligibles fixées par l’un des actes mentionnés à l’article 7, ainsi que de l’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration. Aujourd’hui, cette possibilité est aussi offerte aux agents de la fonction publique territoriale.

Références : Décret n° 2020-524 du 5 mai 2020, JO du 6 mai.

Publié le 06/05/2020 • Par Emeline Le Naour Léna Jabre • dans : Actu juridique, France, Textes officiels RH, TO parus au JO, Toute l’actu RH

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